Interview avec Ken Bugul: “La violence est inévitable avant le répit”

Nous publions cette interview avec la grande écrivaine Ken Bugul, réalisée par Ibou Diop pour AfricAvenirlors de son séjour à Berlin pour la présentation du film "Ken Bugul – Personne n’en veut".n1. Quel est le rapport entre le vécu, l’imaginaire, la fiction, le filmique et le personnage de Ken Bugul ?nK.B: Dans le personnage de Ken Bugul, tout est lié : vécu, imaginaire, fiction. Cependant tout ramène à ken Bugul qui est constitué de tout cela. Dans une interview je disais que ken Bugul est une réalité dissidente.  Et cela permet de l’explorer à l’infini.n2. Peut-on parler de l’unité de l’œuvre chez Ken Bugul ?  Cette question est d’autant plus importante, car il me semble qu’il y a une certaine cohérence dans le choix des personnages, aussi bien dans leur domaines d’exécution que dans leurs croyances. Et ceci du Baobab fou à Cacophonie.nK.B: L’unité de l’oeuvre est inspirée par le personnage atypique de Ken Bugul et comme dit plus haut, son exploitation est inépuisable. L’imaginaire bousculé et la fiction créent facilement un espace intemporel, universel, où le personnage évolue facilement, mais aussi un espace humain, car dans toute l’oeuvre, il y a une part autobiographique.n3. Les références sur les personnages qui ont façonné le monde socio-économique, culturelle religieuse et politique est récurrente dans vos textes. Est-ce par désir de les partager avec le reste du monde ou par souci de montrer une certaine appartenance culturelle ?nK.B: Ni désir, ni souci, ni de partage ni de démonstration d’appartenance, mais plutôt dans une dynamique d’intégration dans le personnage atypique de Ken Bugul qui n’est qu’un substrat de ses vécus multiples et universels. Le personnage de Ken Bugul dénie le gentiment d’appartenance par dépit depuis la rupture avec la mère, qui est source d’appartenance.n4. Quel est le rôle de la création artistique dans le monde d’aujourd’hui en général ?nK.B: La création artistique est immuable quelque soit le contexte. C’est inné, parce que c’est l’activité transcendantale qui rapproche l’homme du divin et qui inhibe l’angoisse du néant, de la mort.n5. L’intellectuel(le) africaine semble-il avoir une responsible beaucoup plus poussée vu les guerres et les conflits qui sévissent le continent ?nK.B.: Les intellectuels sont souvent à l’origine des conflits et des guerres. Ces phénomènes sont d’abord conceptualisés par des intellectual(le)s avant d’être réalisés par des ignorants ! Donc il faut revoir l’approche morale, éthique du rôle de l’intellectuel(le) dans la marche du monde!n6. Dans votre avant-dernier roman Aller et retour la protagoniste Bigué aborde certes des problèmes de la société sénégalaise, mais elle semble beaucoup s’appesantir sur les crises d’identité, sur la recherche même de cette identité. Est-ce une manière de revisiter les théories identitaires préconisées par Césaire et Senghor ? Ou par soucie même de poser les problèmes de souveraineté des pays autrefois colonisés ?nK.B.: Les deux. Nos sociétés sont encore colonisées, surtout dans les attitudes, comportements, analyses, réflexions, déductions. Il nous faut retrouver, sinon, inventer une identité propre.n7. Aller et retour est riche par sa revisite de l’histoire sénégalaise. Vous montrez par le choix des personnages, par les dates historique la complexité de nos états et de leurs relations occidentales ?nK.B.: Ce n’est un secret pour personne. De la colonisation aux indépendances et en l’état actuel des choses, il faut revoir nos relations avec le reste du monde, mais surtout entre nous mêmes et avec nous mêmes, dans nos propres sociétésn8. Quelle est votre vision de l’Afrique de demain ?nK.B.: Comme pour ma vision du monde, dont l’Afrique fait partie inextricablement, l’Afrique de demain sera ce que le monde en fera avec ou sans l’assentiment des africains eux mêmes. La violence est inévitable avant le répit. C’est le cycle de l’histoire des peuples. Je suis donc optimiste!nnCette interview a été mené avec l’aimable soutien d’Engagement Global.

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