Report on the Dialogue Forum on New Social Movements in (West)Africa
Report (in French) by Stéphanie Hansoulle about the AfricAvenir Dialogue Forum on "New Social Movements in (West)Africa", which took place at Grüner Salon of the Volksbühne in Berlin. Main speaker was Dr. Tiécoura Traoré of the movement COCIDIRAIL which is working against the privatisation of railways in Mali.
Compte rendu du Forum de Dialogue: Nouveaux mouvements sociaux en Afrique
Compte rendu, par Stéphanie Hansoulle (AfricAvenir) de l’intervention de Tiécoura Traoré à l’occasion du forum de dialogue sur “Les Nouveaux Mouvements Sociaux en Afrique”, qui a eu lieu le 19 janvier 2009 au Grüner Salon à Berlin.
Compte rendu de l’intervention de Tiécoura Traoré – Dialogforum, Nouveaux mouvements sociaux en Afrique, Berlin, 19 janvier 2009.
Pour l’initiative du Dr. Tiécoura Traoré, comme pour tout mouvement alternatif, la menace la plus redoutable est encore l’isolement. Toutefois, c’est bien ici l’espoir qui prévaut, l’espoir dans le dialogue et la solidarité, visibles à travers la discussion de ce 19 janvier, tout comme à travers la multiplicité de mouvements s’élevant en Afrique notamment en faveur des droits de l’homme, pour la protection de l’environnement et le soutien de l’activité agricole locale aussi bien aux niveaux continental, régional, que national.
L’initiative Cocidirail, Collectif Citoyen pour la Restitution et le Développement Intégré du Rail Malien, est aussi partie intégrante de cette dynamique des nouveaux mouvements sociaux en Afrique. Se fixant pour objectif la lutte contre le démantèlement des services publics d’un point de vue général, l’initiative du Dr. Tiécoura Traoré entend aussi rassembler des citoyens, individuellement ou via leurs associations, travaillant pour d’autres citoyens, pour défendre une cause commune, le développement du pays.
L’association a été créée le 31 août 2003 à Bamako pour la protection du service public ferroviaire, qui constitue un outil essentiel au développement des communautés vivant le long du tracé de la ligne, et de là pour le pays tout entier. Moins de trois mois après sa création, l’association a dû faire face, le 1er octobre 2003, à la privatisation de la ligne de chemin de fer, entraînant la fermeture de 24 des 36 gares et haltes du tracé. Les conséquences de cette subite mutation furent particulièrement lourdes pour la population locale:
Tandis que la population avait organisé et développé son existence autour du rail et grâce au rail pendant plus de cent ans, elle se retrouva du jour au lendemain pratiquement coupée de toute mobilité. Très vite, les dommages se firent ressentir au sein de la population: beaucoup d’enfants ainsi n’ont plus eu accès à l’école, les déplacements étant devenus trop coûteux et souvent impossibles. Nombre de femmes et d’enfants sont aussi décédés lors d’accouchements, faute de pouvoir accéder à des soins adéquats.
Ces développements étaient prévisibles, et pouvaient être évités : l’association en avait conscience, et avait en conséquence mené une campagne d’information. Malheureusement, la désinformation s’est révélée alors plus efficace. Et l’incroyable, l’inconcevable, s’est alors produit, une compagnie privée, étrangère, a commencé à détruire les fondements, les liens sociaux et économiques de tout un pays, avec la collaboration et même selon la décision d’un gouvernement malien réputé et salué comme démocratique à l’étranger, imposant ainsi une mesure enfreignant les principes même de la constitution du pays. Que les représentants du peuple aient ainsi œuvré à la misère de leur peuple reste tout à fait incompréhensible pour Tiécoura.
Aussi, et bien que les démarches entreprises jusqu’à présent afin d’interpeller les politiques se sont toujours heurtées à un mur de silence, bien que tout pousserait les membres du collectif au découragement et à l’abandon, ils n’ont pas cessé, parce qu’il n’est pas d’autre choix possible, parce qu’il n’est pas possible d’ignorer que des enfants ne puissent plus accéder à leur école, que des travailleurs ne puissent plus se nourrir de leur travail. Face à ces réalités, il n’est qu’une évidence, l’obligation d’agir, pour tous.nL’association a aussi modifié ses méthodes de communication, et peut désormais constater de nets progrès dans la transmission de son message, de son combat. Ainsi, à présent, à travers les rencontres notamment au Forum des peuples, l’association a réussi à exporter son projet, et a réussi à s’imposer comme un interlocuteur indispensable, cela au sein des divers réseaux associatifs et syndicaux.
L’association aussi n’est pas dupe de son rôle de premier plan, et a bien conscience qu’en définitive les acteurs d’un changement durable sont bel et bien les populations locales. C’est aussi pour cela que Cocidirail a effectué une tournée de sensibilisation, la Caravane Citoyenne et Solidaire, en novembre 2007, durant 23 jours et a ainsi parcouru 11 localités: leur but était d’y donner la parole aux populations tout autant que d’y transmettre leur vision des enjeux en présence. À travers diverses activités allant du théâtre au cinéma, en passant par de libres échanges de vues, l’association est parvenue à créer un contact plus proche avec les populations. Suite à cette tournée, les différentes communautés ont pu aussi s’investir directement dans le projet de l’association en envoyant leurs représentants, concrétisant encore davantage l’idéal de l’action commune, du but commun: l’enjeu est tout autant le chemin de fer que les conditions d’une meilleure vie au quotidien, d’un développement local, et englobe les aspects de politique agricole, de l’approvisionnement en eau, de la protection de l’environnement.
Tiécoura Traoré souligne en effet l’importance de penser de manière nouvelle la démocratie et le développement: un développement réel, durable et solide ne peut qu’être pour l’essentiel l’œuvre des populations locales. Il n’est jamais aussi efficace de penser le développement pour d’autres que d’agir soi-même sur sa propre situation, sur son propre environnement. Les développements de la démocratie dans la société civile, les progrès en matière de liberté d’expression et d’association sont bien sûr aussi dignes de louanges: le Mali compte ainsi 118 partis politiques, et plusieurs milliers d’associations et organisations non gouvernementales. Force est de constater toutefois que malgré ces nombreux progrès, malgré ces nouvelles voix, aucune réponse concrète n’a encore été apportée aux problèmes quotidiens rencontrés par la population.
Pour l’association Cocidirail, cette réponse doit passer par une démocratisation des décisions économiques. L’essentiel, l’apprentissage fondamental, selon l’association, doit en effet provenir de la mutualisation des moyens et du travail au sein des populations locales. L’entreprise de l’association est par ailleurs entravée par son manque de légitimation (Cocidirail ne dispose pas d’un mandat électif) ainsi que par le fait qu’elle œuvre à contre-courant, contre la tendance dominante représentée par le gouvernement malien. Les défis de l’association sont aussi actuellement de rallier une plus large audience, aujourd’hui encore embryonnaire bien que déjà internationale, et de parvenir à éduquer davantage les citoyens, à éveiller les consciences à cette responsabilité du citoyen que la majorité, aussi bien au Mali que malheureusement ailleurs en Afrique, abandonne trop souvent aux seuls politiques.
Résumé des réponses aux questions du public données à la suite de l’exposé:
(à la question concernant les partenariats entre l’association et l’Europe, les organisations européennes)nTiécoura conçoit tout d’abord deux champs d’actions principaux: d’une part, la diffusion le partage d’informations disponibles concernant les situations locales; d’autre part, une meilleure diffusion, une meilleure communication en Europe au sujet des événements négatifs se déroulant en Afrique. Les cas de répression ne doivent pas rester ignorés de l’opinion publique en Europe, ne doivent pas être évoqués en hâte comme cela se produit si souvent: il s’agit d’en parler, et d’en parler mieux.
Les acteurs de ce partenariat pour Tiécoura devraient se développer à l’avenir, en particulier entre villes, villages et régions d’ici et de là-bas, afin de favoriser un véritable dialogue, un travail en collaboration entre homologues européens et africains. Tiécoura cite aussi en exemple de partenariat et de soutien efficace un syndicat français qui a contribué à la réalisation d’un monument commémorant les victimes de la privatisation du chemin de fer. Ce type d’action s’est avéré aussi très efficace, comme signe visible, rappel concret, appel à la conscience et à la solidarité, plus saisissant que des mots. Un champ énorme d’activités reste aussi encore à développer et à établir entre organisations et personnes d’ici et de là-bas, dans l’espoir d’atténuer, et idéalement de résoudre les problèmes rencontrés.
(à la question du rachat éventuel par l’association de gares)nL’objectif du collectif est clairement de corriger l’erreur commise, de reprendre et remettre en question cette décision du gouvernement: il s’agit de purement et simplement de rendre le rail aux maliens, de rendre ce qui a en somme été soutiré aux populations d’une manière inacceptable. Les hommes politiques, les décideurs qualifiés de démocratiques ont en effet vendu un bien public au privé, en accordant même plus de moyens au privé, subventionnant la reconstruction du rail également en puisant aux mannes publiques. Tandis que les populations s’enfoncent dans la misère, l’acteur privé retire aussi tous les bénéfices de l’entreprise, à moindres frais. Aussi, les conséquences pour la population sont d’une ampleur telle que ce problème exige une solution d’ensemble, et non des remèdes et colmatages partiels.
(à la question de l’échec des gouvernements africains et de la justification des institutions internationales telles que le FMI et la Banque mondiale)nLe phénomène de la privatisation s’est étendu à travers l’ensemble de l’Afrique occidentale, et une véritable gangrène a gagné aussi bien les élites que les bases en Afrique. Tandis que les élites constituent de plus en plus une classe de politiques avant tout dirigés par leurs intérêts individuels et sensibles à la corruption, les populations à la base restent concrètement exclues de la politique et ne disposent pas des outils, ni de l’information nécessaires pour comprendre les enjeux en présence. Les institutions comme le FMI et la banque mondiale sont aussi pour Tiécoura les instruments du capitalisme mondial, et ont en ce sens, tout comme les politiques corrompus, réussi en servant leurs personnes, leur maîtres respectifs, tout en desservant en définitive les populations pour lesquelles ils devraient travailler, les citoyens qu’ils devraient représenter.
(à la question de la suite des activités de Tiécoura et de Cocidirail au-delà de son entreprise de sensibilisation)nTiécoura se dépeint comme un technicien, comme un citoyen souhaitant faire profiter de ses connaissances ses compatriotes. Malgré les obstacles et les freins importants opposés à sa démarche, il souhaite toujours contribuer à créer les conditions nécessaires à l’autonomie, au développement local, pour sa propre communauté mais également au-delà. Son rêve est aussi de voir son engagement, sa démarche volontariste faire des émules tout autour de son actuel rayon d’action. Concrètement, la campagne de sensibilisation vise à toucher les populations, de même que les élus, afin d’une part de pouvoir introduire un recours contre la décision de privatisation, prise au mépris de la constitution, afin d’autre part de diffuser de nouvelles méthodes de développement local. nPour atteindre ces objectifs, et concrétiser ainsi son entreprise, Tiécoura souligne aussi qu’il ne s’agit pas, comme cela a souvent été le cas, de se contenter de parler pour d’autres, mais bien plutôt de parler avec les personnes concernées. Seulement ainsi, par un dialogue, en s’attelant à rechercher les réponses et décisions concrètes à saisir, une amélioration du quotidien de chacun pourra être réalisée.